Réussir son premier roman – II : Pourquoi écrire ?

POURQUOI ÉCRIRE ?

Cette question, je crois, l’écrivain se la pose, ou devrait se la poser toute sa vie. Très probablement, il n’y répondra jamais complètement. Il y a quelque chose qui relève de la vocation dans le choix de ce métier qui, comme je l’ai dit en introduction, s’il peut apporter bien des joies, n’est pas forcément de tout repos…
Se demander pourquoi on écrit est un bon moyen de donner plus de profondeur à son travail, car cela permet de se fixer des objectifs, si possible ambitieux, et de travailler à leur réalisation. Est-ce que j’écris pour faire rire les gens ? Les divertir ? Les émouvoir ? Les faire réfléchir ? Est-ce que j’écris pour moi ? Pour changer le monde ? Et si c’est le cas, comment faire pour approcher le mieux possible ce dessein ?
Pour écrire, il faut d’abord en avoir envie. La chose peut paraître évidente, mais elle ne l’est pas tant. Certains veulent écrire simplement parce qu’ils en aiment l’idée. L’idée de devenir « écrivain ». Mais cela ne suffit évidemment pas ! Pour que ce projet ait un sens, et pour se donner les chances d’aller jusqu’au bout, il faut savoir ce que l’on a vraiment envie de faire avec son livre, et être prêt à s’y livrer entièrement. Sans envie d’écrire, il n’y aura probablement pas d’envie de lire chez vos lecteurs.

TROUVER SA VOIE ET SA VOIX…

Se lancer dans l’écriture, c’est l’occasion de faire le point sur votre désir profond, intime, sur la flamme qui vous anime. Votre vie quotidienne, vos responsabilités, vos devoirs vous éloignent souvent de l’essentiel. Beaucoup d’écrivains affirment d’ailleurs qu’écrire est un acte qui peut épargner à l’auteur quelques années de psychanalyse, car il vous permet d’entreprendre une démarche assez similaire : explorer votre psychisme, explorer votre inconscient, reprendre contact, au fond, avec ce qui fait la singularité de votre être, et l’extérioriser avec des mots.
Écrire, c’est affirmer que quelque chose de lumineux peut émaner de la solitude. Celle de l’auteur, qu’il délivre par les mots, et celle dans laquelle le lecteur se réfugie avec plaisir pour les recevoir.
J’ai tendance à penser que le secret d’un livre réussi, c’est avant tout son authenticité. En littérature, le crime ne paie pas. Si vous « faites semblant », il y a peu de chances que votre livre touche les gens. Cherchez votre voie, et trouvez votre voix.

ÉCRIRE POUR LES AUTRES…

De même, quoi qu’en disent certains, on n’écrit jamais seulement pour soi. L’acte d’écrire est, par définition, une volonté d’offrir à l’autre (et d’abord au papier) des mots qui, ensemble, font une histoire, laquelle transmet une idée, une interprétation du monde. Il n’y a pas d’écriture pour soi en ce sens que, même quand on écrit un journal intime, c’est dans l’espoir (conscient ou non) que celui-ci soit lu, un jour, par quelqu’un d’autre, quand bien même cet autre serait soi-même, quelques années plus tard, retombant sur ces pages oubliées, témoins de ce que nous étions jadis. Les mots écrits ne prennent vie que quand ils sont lus, et ne pas l’oublier oblige l’écrivain à penser avant tout au lecteur.
Ainsi, il est essentiel d’avoir à l’esprit sinon le plaisir du lecteur, au moins son intérêt. Il n’y a de plus terrible punition pour un auteur que de ne pas être lu jusqu’au bout. « Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs », disait Jean de La Bruyère.
En revanche, on peut (on doit, même) écrire en se faisant plaisir à soi. Les plus belles pages d’un roman sont souvent celles que l’on a pris le plus de plaisir à rédiger. Le plaisir d’écrire, c’est celui de se dépasser, de réussir à trouver les mots qui, de la façon la plus juste possible, sauront exprimer ce que votre esprit ou votre cœur vous disent. Ce plaisir est d’ailleurs sublimé quand, parfois, par miracle, quelques lignes vont plus loin encore que vous ne l’aviez espéré, et il n’est de plus grande joie que celle de se laisser dépasser par son œuvre. Comme l’a écrit Milan Kundera, « Les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs »…

… MAIS PRENDRE DU PLAISIR

L’idéal est donc de trouver le juste milieu entre le plaisir de l’émetteur et celui du récepteur. La question que l’on doit se poser est : cette histoire véhicule-t-elle quelque chose qui peut intéresser quelqu’un et, si c’est le cas, comment faire pour qu’elle y parvienne le mieux possible ? La première règle consiste donc à choyer son lecteur : Aristote disait que la première qualité du style est la clarté. Mais, en se vouant à son lecteur, l’auteur ne doit pas, pour autant, sacrifier son propre plaisir, car cela se sentirait. Un écrivain qui s’ennuie est un écrivain qui ennuie et, en outre, quand on s’ennuie soi-même, on a bien de la peine à finir son roman…
C’est ici toute la difficulté de l’écriture : l’auteur doit être un bon « faiseur », un bon artisan, mais il ne doit pas être que cela. Il doit aussi être une âme. Le danger est de pécher dans l’un ou l’autre sens : n’être qu’un faiseur sans âme, ou n’être qu’une âme sans manière. C’est d’ailleurs le cas de bien des romans. Trop nombreux sont les auteurs qui négligent le fond et ne se soucient que de la forme, et réciproquement, trop nombreux sont ceux qui se gargarisent de leur pensée sans se soucier du plaisir que pourraient avoir les lecteurs à la lire. On peut avoir une méthode parfaite, appliquer les plus belles recettes du monde, si l’on a rien à dire, on ne fera pas un beau roman. De même, on peut avoir la plus belle chose du monde à dire, si on le fait sans y mettre la forme, on a toutes les chances de perdre son lecteur. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, disait Boileau, et les mots pour le dire arrivent aisément.

Réussir son premier roman – I : Introduction

LA FRANCE EST UN PAYS DE LITTÉRAIRES

Quoi qu’en disent certains fâcheux, les Français aiment lire. Contrairement à ce que beaucoup affirment, la proportion des Français qui lisent n’a quasiment pas évolué au cours des vingt dernières années, sinon dans le bon sens. Ils étaient 66% en 1981, ils sont 69 % aujourd’hui.
En outre, les Français aiment aussi écrire. Tous n’osent pas l’avouer, beaucoup en rêvent secrètement, mais le fait est que vous êtes chaque année des dizaines de milliers à envoyer un manuscrit aux maisons d’édition. Vous êtes aussi, mathématiquement, des dizaines de milliers à recevoir de très impersonnelles lettres de refus. Parmi les manuscrits envoyés par la poste aux éditeurs, seul un sur six mille finit par être publié. C’est très peu mais, encore une fois, contrairement aux idées reçues, les éditeurs lisent réellement les manuscrits qu’ils reçoivent par la poste, à condition bien sûr que cela soit fait dans les règles de l’art. Le joli succès de mon ami Bernard Minier en est une preuve parmi bien d’autres. Son premier roman, Glacé, a été envoyé sous enveloppe timbrée à six éditeurs. Cinq ont répondu en quelques semaines, dont plusieurs positivement ! L’ouvrage, publié au final par les éditions XO, a rencontré un succès extraordinaire en France, et a été traduit dans plus de dix langues…
Vous êtes également fort nombreux, chaque semaine, à nous envoyer – à nous écrivains – des courriers ou des e-mails, pour nous demander un conseil, un avis, un petit coup de pouce… À force de recevoir, depuis plus de dix ans, ce type de demandes, bien conscient qu’une simple réponse de quelques lignes ne saurait satisfaire entièrement votre attente, et n’ayant plus le temps, malheureusement, de me plonger dans les textes que vous me soumettez, j’ai fini par me décider à consacrer un texte plus approfondi à l’écriture de roman et à le mettre gratuitement à votre disposition sur mon site Internet, sous forme de dix petits articles, dont voici le premier…

MON PREMIER CONSEIL ? RENONCEZ !

Non pas que la concurrence me fasse peur, mais le « marché » est tellement difficile que, pour la grande majorité de ceux qui rêvent de se faire éditer, la déception est souvent au rendez-vous.
Écrire un roman est avant tout un acte de foi, celle de l’auteur et de l’éditeur en la puissance du récit et en la curiosité potentielle des lecteurs pour celui-ci. Romancier n’est pas toujours un métier facile, c’est un métier solitaire, ardu parfois, peu rassurant et, le plus souvent, peu rémunérateur. On estime que seuls 2% des auteurs publiés vivent exclusivement de leur plume et, parmi ceux-là, tous n’en vivent pas confortablement. Pas vraiment ce qu’on peut appeler un métier d’avenir ! Pour devenir écrivain, il faut y croire, il faut en avoir envie plus que de toute autre chose. Si c’est votre cas, si c’est votre rêve, et si vous êtes de ceux qui aiment aller jusqu’au bout de leurs rêves, alors autant mettre toutes les chances de votre côté…

METTRE LES CHANCES DE SON CÔTÉ

Mettre les chances de son côté, c’est accepter, d’abord, de se familiariser avec ces fameuses « techniques ». Mais peut-on vraiment les connaître ? Le romancier britannique Somerset Maugham écrivait, non sans humour :« Il y a trois règles à respecter pour écrire un roman. Malheureusement, personne ne les connaît. »
De fait, pour ce qui concerne l’apprentissage du métier d’écrivain, il n’y a qu’une seule chose que je puisse affirmer ici comme un dogme : il n’y a pas de recette miracle ! La persévérance est la seule véritable règle.
Si vous pensez qu’à la seule lecture de ces articles (ou d’autres) vous pourrez devenir en quelques jours un Romain Gary ou un Stephen King, je suis dans le regret de vous annoncer que vous avez fait fausse route, je n’ai malheureusement pas ce pouvoir magique (et d’ailleurs, si je connaissais la formule, croyez bien que j’aurais commencé par me l’appliquer à moi-même…).
Ce petit guide ne prétend aucunement pouvoir faire de vous un auteur accompli à sa seule lecture. Il n’a d’autre ambition que d’aider celui qui, déjà, est sur le chemin de l’écriture. Il n’y aura dans ces lignes aucune vérité absolue, mais seulement des remarques subjectives, des pistes, mon témoignage personnel en tant qu’auteur publié depuis plus de vingt ans désormais.

VINGT FOIS SUR LE MÉTIER…

En réalité, il n’y a pas une méthode pour écrire un roman. Il y a autant de méthodes différentes qu’il y a d’auteurs et, comme dans toute corporation, la seule chose que celui qui a déjà longuement pratiqué son métier peut offrir au novice, c’est le partage de son expérience propre. Aussi, dans ce texte, c’est ma méthode que je vous présenterai, bien conscient qu’elle n’a pas plus de légitimité qu’une autre, espérant simplement qu’elle saura vous inspirer, vous donner une piste pour construire la vôtre, au fil du temps.
La seule véritable « recette », en réalité, je le répète à chaque jeune auteur que je rencontre, c’est la persévérance, le travail. On ne devient pas concertiste sans faire ses gammes. Le premier – et meilleur – conseil que l’on puisse donner à l’apprenti écrivain nous vient tout droit de l’Art poétiquede Nicolas Boileau :

Hâtez-vous lentement et sans perdre courage
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

Si vraiment vous voulez écrire et être publié, si la chose vous habite entièrement, alors ne vous découragez jamais, même au pied du mur ! Songez, par exemple, que Stephen King lui-même a essuyé une bonne dizaine de refus avant qu’un éditeur accepte enfin de publier l’un de ses nombreux manuscrits, Carrie, et imaginez quelle incroyable carrière littéraire le gaillard eût manqué s’il n’avait point persévéré ! Si le découragement est un adversaire fidèle de l’écrivain, son meilleur ami reste l’entêtement.

C’EST PAS FACILE TOUS LES JOURS…

On a souvent du métier d’écrivain une image quelque peu idéalisée, oserais-je dire « romanesque » ? On l’imagine assis quelques heures ici et là, à rêvasser devant un long bureau en chêne et laisser quelque muse bienveillante lui dicter de belles lignes comme par magie, puis on le voit passer ses soirées dans des cocktails mondains à fréquenter le gotha germanopratin en sirotant du champagne… La réalité est, malheureusement, bien loin de cette vision idyllique (ou éthylique). Croyez-moi, les auteurs qui passent le plus de temps dans lesdits cocktails sont ceux qui, à l’évidence, écrivent le moins ! L’écrivain est une personne qui passe le plus clair de son temps devant un ordinateur, à écrire, réécrire, corriger, recommencer, lutter, chercher. Écrire est un travail, un véritable travail de longue haleine, accaparant, ardu, répétitif, et souvent frustrant.

ALORS ? TOUJOURS PARTANT ?

Soit. Si votre envie est authentique et si le travail ne vous fait pas peur, si l’envie de devenir millionnaire n’est pas votre seul moteur, alors, cher lecteur, ou cher futur auteur, allons-y ! Car malgré tous ces barrages, toutes ces épreuves, je peux bien vous l’avouer, à présent : si c’est pour vous un besoin, alors écrire peut aussi devenir un plaisir. Un immense plaisir. L’écriture est un moyen d’expression, c’est-à-dire un moyen de faire sortir de son for intérieur les idées ou les sentiments qui y sont enfouis, pour les partager, les offrir. L’écriture est un pont que l’on tend vers l’Autre, une main tendue, et il n’est de sentiment plus doux que celui de trouver la réponse à cette poignée de main : un lecteur.
Aussi, laissez-moi vous dévoiler ici certains de mes petits secrets et, un jour peut-être découvrirai-je les vôtres ! Puisque l’écriture est un partage, partageons…